
Un Indiana Jones péruvien découvre la tombe du seigneur de Sipán.
Sa sépulture dévoile le plus fabuleux trésor funéraire connu d’Amérique ; d’une richesse telle qu’on le compare à celui de Toutânkhamon.
Souverain de l’empire Mochica, le seigneur de Sipán partage l’hégémonie de la côte Péruvienne avec les Nazcas.
Aussi bien protégé que les grands pharaons d’Egypte
Dans l’un des déserts les plus arides de la planète, deux énormes pyramides tronquées se camouflent sous 1 600 ans de décomposition.
C’est le complexe funéraire de la Huaca Rajada bien connu des pilleurs de tombes.

Devant la première pyramide de ma vie, ma seule envie est de creuser dans l’adobe et d’explorer le site à la recherche d’une tombe perdue.
25 ans plus tôt, l’un de ces pilleurs déroba de somptueux objets sur la dépouille d’un guerrier sans pied.
Dénoncé par son complice, il est arrêté et permet à notre Indiana Jones, Walter Alva d’explorer l’endroit du délit.
1 600 ans ont suffit pour transformer ce complexe funéraire en collines ensablées

La plus grande découverte archéologique du Pérou
C’est une tombe protégée par des humains sacrifiés. Le guerrier estropié en est le gardien. Il est amputé des pieds pour rester fidèle à son poste, même dans l’au delà.
Juste en dessous, dans son cercueil, git le seigneur de Sipán.

Pour avoir vu un paquet de crânes de momies dans leur trou à Nazca, je dois dire que celui du seigneur a de la gueule !

10 sentinelles accompagnent le seigneur dans la mort
- Le gardien
- Un autre guerrier avec massue et bouclier
- Un enfant sans tombe, en position assise
- Un homme et son chien
- Trois femmes dont deux dans des tombes sont superposées
- Deux lamas enterrés sous les cercueils
Ils entourent le souverain et certains d’entre eux ont le pied gauche coupé.

Dans son voyage posthume, protégé de ses serviteurs, le seigneur Mochica est à l’abri. Comme la dépouille de Toutankhamon protégée dans son emboîtement de sarcophages sous l’œil vigilant de quatre déesses protectrices.
Le cercueil de bois du défunt est cerné de centaines de poteries, de coquillages et de statuettes.

C’est le plus grand rassemblement de poteries jamais trouvé dans une tombe.
Les Mochicas croyaient à la vie après la mort, le souverain est donc enterré avec toutes ses possessions. Comme Toutankhamon. Et comme pour le jeune pharaon d’Egypte, la beauté des biens du seigneur de Sipán est renversante.
Des richesses incroyables, même pour un roi

La dépouille du seigneur est couverte de joyaux et tient deux sceptres, un en or et un en argent.
Des milliers de perles en coquillages de couleur forment ses colliers et ses bracelets. C’est magnifique.
Et j’ai failli rater tous ces chefs d’œuvre !
Me dis-je après avoir hésité à venir au musée de Sipán.
Les attributs de pouvoir s’accumulent et viennent s’ajouter aux nombreuses poteries et autres vêtements sertis de bronze.
Un trésor inestimable façonné dans tous les métaux précieux découverts
- Des masques et ornements de visage en or
- Un« tumi » : couteau sacrificiel du seigneur
- Un lourd lingot circulaire d’or massif
- Des coiffes et un cimier géant à l’allure de demi-lune


- Des diadèmes et ceintures d’or et d’argent
- Un grand étendard de cuivre doré
- Des sandales en argent servant aux processions religieuses
- Un collier de perles or et argent en forme de cosses de cacahuètes
L’or est disposé à la droite du souverain tandis que l’argent est à sa gauche… intriguant.
Est-ce pour signifier « la dualité de l’univers dans la pensée Mochica » comme l’imaginent certains archéologues ?
Mais ce sont les disques d’oreilles qui retiennent le plus mon attention. En particulier l’effigie d’un guerrier monté au centre d’une mosaïque de coquillage, d’or et de turquoise.

La figurine fait moins de un centimètre et témoigne d’une incroyable facture.
Un travail de joaillerie plus avancé que le savoir-faire européen du 18e siècle !
Non content de dominer le désert en détournant les rivières, les mochicas sont de véritables orfèvres.
Leur maîtrise des alliages et leurs techniques élaborées de dorure seront les fondements d’une partie de l’art incas 1000 ans plus tard.
Je reste ébahi devant ces boucles d’oreille, fasciné par les avancées technologiques mochicas.
Seul le trésor de Toutânkhamon surpasse cette profusion de splendeurs.
Je comprends mieux l’empressement de National Geographic à vouloir sponsoriser les fouilles de la Huaca Rajada ainsi que le buzz médiatique autour de son musée.
Un musée géant construit comme la pyramide
«Prends le bus pour Lambayeque, tu trouveras le musée de Sipán quelques pâtés de maisons plus loin». Voilà la réponse qu’on me donne à Chiclayo.

Ma première pensée en arrivant devant les grilles imposantes et bien gardées de « las tumbas reales de Sipán » :
Comment un musée d’une telle envergure peut-il être paumé à ce point ?

C’est pourtant le musée le plus moderne du Pérou ; une sacrée attraction touristique. Avant d’y pénétrer on nous dirige vers une petite pièce et là…surprise !
Fouille au corps, confiscation d’appareils photo, caméras et téléphones
Tu veux des souvenirs ? J’espère que tu sais dessiner…
Entre cette interdiction soudaine et le vol de mes photos lors de mon agression, les seuls souvenirs qu’il me reste sont dans ma tête ;).
À l’intérieur, l’atmosphère est feutrée ; couloirs de velours aux lumières tamisées. Chaque œuvre est savamment mise en valeur par son éclairage propre. Le musée s’étend sur trois niveaux :

- Le niveau 3 introduit la culture Mochica et sa vision des dieux. Sa conception du monde, représentée aux travers des œuvres et céramiques iconographiées, est très instructive.
- Le niveau 2 est dédié aux objets trouvés pendant la fouille. La partie centrale détaille la réplique de la sépulture du Seigneur avec ses accompagnants.
- Le niveau 1 montre le squelette du souverain ainsi que les trésors d’un autre seigneur. Celui-ci, appelé « vieux seigneur de Sipán », n’a rien à envier à son cadet à la vue des parures qu’il possède.
Au terme de ces trois étages, j’avoue en avoir pris plein la vue. Mais le coup de grâce m’attend encore dans l’ultime salle du musée avant la sortie : la Maison Royale.
Une mise en scène de l’élite Mochica comme si vous y étiez !
Les mannequins et automates sont d’un réalisme saisissant, le tout accompagné d’une musique d’époque. Les ocarinas finissent de me transporter hors du temps.

La découverte est encore méconnue mais de plus en plus de touristes étrangers viennent ici.
Me recommanderez-vous autant l’étage entier du musée du Caire réservé aux trésors de Toutankhamon ? J’irai de toute façon !
Les similitudes entre les deux souverains sont frappantes

- Deux tombes protégées des vivants et des morts
- Deux trésors inestimables jamais égalés
- Un musée entièrement consacré au site contre un étage complet au Caire
Ajoutez à cela les maladies osseuses invalidantes des deux rois et la ressemblance devient folle.
Le seigneur de Sipán est né avec de l’arthrite tandis que des études récentes révèlent un Toutankhamon atteint de la maladie de Kohler.
Vous comprenez mieux la comparaison maintenant !
Même si l’ampleur des ouvrages et la diversité des offrandes restent supérieures chez Toutânkhamon il n’avait pas de cour sacrifiée l’accompagnant dans l’au-delà.
Et ne dit-on pas que la vie d’un homme vaut toutes les richesses du monde ?
En parlant de richesses, finissons en beauté avec ma dernière infographie ;)
Comparaison entre les deux rois et leur trésor : des chiffres et des dessins. Enjoy !

Tony Founs
Super article, merci beaucoup ! Je connais le Musée Tumbas Reales et tout ce que tu écris est bien vrai! Merci pour la comparaison très bien fait entre le Seigneur de Sipan et Toutankhamon.